Né en 1986 dans le Nahouri, Saga Den, Dénis Apouri à l’état civil, est un chanteur burkinabè. Fan inconditionnel de l’artiste ivoirien Douk Saga de qui il tient le nom Saga, le natif du Nahouri pratique cependant un autre genre musical : le Djongo mixte. Partageant sa vie entre la musique et l’armée, le gendarme de profession revient avec un nouveau single « Danser pour les mariés », trois ans après son premier album. Dans l’entretien qui suit, il nous parle de ses premiers pas dans la musique, de sa double vie, de sa carrière et de ses défis. Lisez !
Comment es-tu venu à la musique?
Je suis venu à la musique après ma victoire au karaoké sur la radio FM. Après cette victoire, j’ai senti que je pouvais faire carrière dans la musique. C’est là que j’ai mûri cette possibilité de faire la musique. En 2013, quand l’album ‘’Rama’’ est sorti, ma chanson ‘’Tan soua’’ a été imposée sur la même radio et au karaoké en quart de finale. En son temps, Fleur et Lady Shine étaient des candidates. Faso academy l’avait aussi utilisée. Et même à l’extérieur, il y a des chorégraphes qui utilisaient la chanson en pensant que c’était un Tanzanien. Les vidéos me revenaient et ça me faisait beaucoup plaisir. ‘’Tan soua’’ a été vraiment un succès. C’est pour dire qu’on est dans la musique depuis longtemps mais avec ma carrière de gendarme, je n’ai pas trop le temps à consacrer à ma carrière musicale comme les autres artistes.
Comment arrives-tu à concilier la musique et ta profession ?
Ce sont mes temps de repos que je sacrifie pour faire de la musique. Nous avons une autorisation de pouvoir nous adresser à la presse pour faire de la musique et médiatiser nos œuvres. Sinon il y a eu beaucoup de prestations que je n’ai pas pu faire parce qu’on avait besoin de moi au travail. C’est pourquoi on demande aux gens de prévenir à l’avance pour que j’essaie de voir mon programme pour cette période. Et je ne suis pas souvent disponible, beaucoup de promoteurs préfèrent ne pas m’appeler parce qu’ils trouvent que c’est compliqué. Même pour les plateaux télé, il faut coordonner plusieurs fois avant de trouver le bon timing.
Combien de trophées détiens-tu ?
C’est mon plus grand trophée, celui de 2009. Le second, je l’ai manqué car j’ai été juste nominé au Kundé comme meilleur featuring avec Barack la voix d’or.
Où te situes-tu dans ta carrière ?
Je dirais au milieu. Parce que je n’ai pas encore atteint mon objectif. C’est vrai qu’aujourd’hui si on dit Saga Den dans le milieu culturel, la plupart me connait mais il me manque le ‘’boom’’ national. Je veux que lorsqu’on dit Saga Den, on ne demande plus c’est qui ou qu’on ne soit pas obligé d’écouter la chanson pour me reconnaître. On travaille, on fait de notre mieux mais ce n’est pas facile.
Pourquoi cette longue absence avant de revenir sur la scène musicale ?
J’ai fait une très longue absence parce que j’étais à l’extérieur pour le travail. Il y a quelque chose qu’on doit bien marquer, entre la gendarmerie et la musique, la gendarmerie prime. Et lorsque qu’il y a le besoin, je suis obligé de m’éclipser de la scène musicale. Cela fait trois ans que je me suis absenté alors qu’on avait déjà commencé à être appelé partout pour des scènes en live. ‘’Tan soua’’ m’a permis de faire du live comme à la Fête de la musique, la Nuit Djongo qui est un festival de Bil Aka Kora dans le Nahouri et à la SNC. Et c’est pendant ce temps que je suis allé pour le service à l’extérieur.
La musique burkinabè a-t-elle un bel avenir, selon toi ?
C’est vrai il n’y pas mal de soucis mais la musique burkinabè avance. Déjà, au niveau de la réalisation des clips vidéos, nous ne sommes pas derrière. Nous arrivons maintenant à faire sortir des clips de belle facture avec le peu de moyens que nous avons. Musicalement parlant, nous produisons des musiques beaucoup plus sensées, les gens travaillent dur et s’améliorent. Le public commence à aimer ce qu’on fait de plus en plus. Seulement que nous n’avons pas d’identité musicale et c’est un sérieux problème. En Côte d’Ivoire, c’est le coupé-décalé. Le Sénégal, le Cameroun et le Nigeria ont tous leurs identités. Mais nous, nous prenons tout et nous sommes perdus. Quand c’est le coupé décalé qui suit la tendance, on est dedans. Il faudrait qu’on trouve aussi un style. On ne dit pas de ne pas importer la musique d’ailleurs, mais il faut savoir puiser ce dont on a juste besoin. C’est ça qui nous manque et je ne sais pas si c’est ce qui fait qu’on n’arrive pas à s’imposer. On ne peut pas être là et dire qu’on peut faire du coupé-décalé plus qu’un Ivoirien.l
La donne peut-elle changer ?
Il y a de l’espoir parce que de plus en plus, les gens commencent à utiliser les musiques du terroir et là tu peux tu défendre. Si je fais mon Djongo, un Ariel sheney ne peut pas me montrer comment on fait le Djongo. Ça commence à venir. Amzy avec le tube ‘’Pa sék dé’’ s’en sort bien. Il faut que les gens exploitent davantage les chants du terroir.
Quels sont tes défis ?
Mon plus gros défi, c’est le manque de temps. Je ne suis pas libre comme les autres. On nous a appelés en Côte d’Ivoire pour des évènements mais nous n’avons pas pu honorer. Au Mali également, j’avais une collaboration avec un artiste de mon choix. Le producteur m’a appelé pour la collaboration, mais je n’ai pas pu honorer. J’aime la musique, j’aime la gendarmerie. Dieu merci, je peux faire les deux.
Egalement, le manque de moyens qui est un véritable problème pour Saga Den. Saga Den s’autoproduit. J’avance à mon rythme. Pas de moyens pour faire la promotion. Les gens pensent que la promotion est gratuitee. Mais c’est un vrai budget pour faire un clip. Quand tu regardes les clips de Saga Den, c’est vrai que je n’ai pas les moyens mais je fais tout pour que mon clip respecte les normes et qu’on ne me reproche pas grand chose. On peut bien rester au Burkina Faso et faire des clips incroyables. Je pense que tout est une question de moyens. Donc les fans, soutenez les artistes burkinabè. Un artiste qui est bien soutenu, qui a de bons cachets, va bien payer ses arrangeurs. Ses arrangeurs auront assez d’argent pour payer des matériels performants au profit des fans.
Parle-nous de ton dernier single?
Saga Den a voulu marquer ce retour avec une nouvelle sortie intitulé « Danser pour les mariés ». Je l’ai lancé il y a trois semaines. Une chanson d’amour qui célèbre l’union. Elle est déjà en rotation sur les chaines télés qui l’ont adoptée très facilement. Nous sommes en promotion en attendant de faire sortir le maxi que je prépare.
Le bilan est positif vu aussi que je ne suis pas un artiste libre comme les autres. Je suis appelé à reprendre ma carrière car j’ai fait 3 années d’absence, je dois m’adapter surtout avec cette nouvelle génération montante pour pouvoir m’imposer. Ce n’est pas aisé mais ce n’est pas ma première fois. Déjà avec mon premier album, j’étais absent. L’album avait fait son chemin et je suis revenu me faire une place avec mes singles et quand ça prenait encore, je suis reparti. Je suis de retour et là encore je commence à reconquérir le terrain.
La musique burkinabè fait-elle vivre ?
Sur ce plan, ce sont les fans qui doivent nous soutenir. On a remarqué que les gens aiment ce qui vient d’ailleurs. Voilà pourquoi on a tendance à le faire ainsi. Si nos mélomanes disent qu’ils n’aiment pas ça, nous allons repartir à la source.
Depuis le retour de nos parents de Côte d’Ivoire, ceux-ci ont occupé les maquis. Donc avec la culture importée, naturellement ils y font la promotion de ces musiques et cela a un effet sur nous. Quand j’entends au Burkina ‘’Soirée spéciale variété burkinabè’’, ça me fait mal. Comment au Burkina on peut choisir un jour seulement pour dédier à la musique du terroir ? Cela devrait être tous les jours sans relâche au lieu de choisir un ou deux seulement. Vous allez voir qu’à la sortie d’un album, vous pouvez être 7 artistes invités à prester. Mais lorsque vous êtes assis en attendant l’heure de la prestation, durant tout ce temps, c’est la musique d’ailleurs qui joue. C’est un problème à résoudre.
Quel appel à l’endroit de vos fans ?
Je leur demande de vraiment continuer à me soutenir. J’en ai besoin. Sans eux, je ne peux rien. Qu’ils agissent vraiment dans l’achat de mes œuvres. Je leur demande de partager les œuvres. Quand tu travailles et tu sens qu’il y a un retour, cela motive. Lorsque j’ai signé avec Keyzit pour qu’on puisse avoir mes œuvres sur toutes les plateformes de téléchargement, les fans sont allés envahir la page et la directrice m’a même contacté pour me féliciter. Cela m’a fait chaud au cœur. Je l’ai demande d’être honnête. C’est une question d’inspiration et ce n’est pas à tout moment que la chanson peut plaire. Voilà pourquoi on s’entoure de personnes qui ne sont pas là pour nous caresser dans le sens du poil. Quand la chanson n’est pas bonne, il faut le dire. Si elle est bonne, il faut la jouer et la partager. Même Arafat, lorsque ce n’était pas bon, les ivoiriens le disaient clairement.
Par Youmanli Joël THIOMBIANO (wwwburkinanews.info)